13 mai 2013

Jean-Yves n'a pas sa trace ailleurs - extrait en vrac -


Et l'on arpente seul ces chemins de tristesse, quand on est un volcan en larmes, les cimes s'effondrent et l'on gravit des tas, désespérants, désespéré d'un désespoir minable, d'un désespoir de faible. La bête me suit autant qu'elle bave. J'aurais voulu baver moi aussi, mais je trouve toujours la force de marcher dans le néant. Pris de vertige Jean-Yves s'affaisse sur le sol. Il marche depuis deux jours sans avoir mangé. Une lumière blanche luit, puis vient une myriade de paillettes argentées. On roule à 100 à l'heure sous la pluie, il a des spaghettis crus et fluorescents qui vous crèvent la cervelle. Une langue sirupeuse, vous lèche la gueule à vous en donner la nausée. Il vomit un soupçon de bile verte, se roule sur le côté et reste un moment là, hagard. Le poète s'assoit là lui aussi, sa queue fouette légèrement le visage de Jean-Yves, puis il commence à tisser un filet de bave entre ses poils. Jean-Yves a soixante ans, l'âge de la retraite, mais il n'a jamais vraiment travaillé. Il ressemble à Giscard mais de gauche, avec un peu plus de cernes et de barbe. Il était parti avec un petit sac à dos rouge en nylon. Il s'assoit à son tour, enlève son bob et le serre entre ses mains. Le chien est toujours là et pose sa truffe sur le paysage. Jean-Yves le regarde un instant en bavant. Il avait l'impression d'être passé du stade de l'enfant à celui de vieillard sans transition particulière et il lui restait un sentiment vague de responsabilité qui ne trouvait pas sa place. Il n'était, bien sûr, plus un enfant, la vie lui était passé dessus comme sur une terre séché, mais plus que de ne jamais avoir était adulte, il lui semblait ne jamais avoir était jeune non plus et d'avoir passé sa vie comme un vieillard sénile. 

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