Et l'on
arpente seul ces chemins de tristesse, quand on est un volcan en
larmes, les cimes s'effondrent et l'on gravit des tas, désespérants,
désespéré d'un désespoir minable, d'un désespoir de faible. La
bête me suit autant qu'elle bave. J'aurais voulu baver moi aussi,
mais je trouve toujours la force de marcher dans le néant. Pris de
vertige Jean-Yves s'affaisse sur le sol. Il marche depuis deux jours
sans avoir mangé. Une lumière blanche luit, puis vient une myriade
de paillettes argentées. On roule à 100 à l'heure sous la pluie,
il a des spaghettis crus et fluorescents qui vous crèvent la
cervelle. Une langue sirupeuse, vous lèche la gueule à vous en
donner la nausée. Il vomit un soupçon de bile verte, se roule sur
le côté et reste un moment là, hagard. Le poète s'assoit là lui
aussi, sa queue fouette légèrement le visage de Jean-Yves, puis il
commence à tisser un filet de bave entre ses poils. Jean-Yves a
soixante ans, l'âge de la retraite, mais il n'a jamais vraiment
travaillé. Il ressemble à Giscard mais de gauche, avec un peu plus
de cernes et de barbe. Il était parti avec un petit sac à dos rouge
en nylon. Il s'assoit à son tour, enlève son bob et le serre entre
ses mains. Le chien est toujours là et pose sa truffe sur le
paysage. Jean-Yves le regarde un instant en bavant. Il avait
l'impression d'être passé du stade de l'enfant à celui de
vieillard sans transition particulière et il lui restait un
sentiment vague de responsabilité qui ne trouvait pas sa place. Il
n'était, bien sûr, plus un enfant, la vie lui était passé dessus
comme sur une terre séché, mais plus que de ne jamais avoir était
adulte, il lui semblait ne jamais avoir était jeune non plus et
d'avoir passé sa vie comme un vieillard sénile.
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